Qui suis-je ?

Elisabeth Berthon, qui êtes-vous ?

Je vis et travaille dans un ancien lavoir, tout près de Lyon, dans ce très beau pays qu’est la France.
Née dans les vignes du clos Vougeot, j’ai dansé sur la musique de Ravel et celle de Debussy à l’Opéra de Dijon grâce à l’enseignement du chorégraphe Jean Serri. J’ai fait mes premiers tours de contestation (Mai 68 oblige) et de dériveur dans la Baie des Anges à Nice. J’ai joué du piano dans un groupe de rock à New York, tricoté, tissé, chanté, acté. Enfin, j’ai compris et accepté l’idée que le vêtement abordé sous l’angle de la pièce unique serait une constante et fidèle source de grands bonheurs. Pour ce faire, je me suis installée à Paris, j’ai étudié le modélisme à la Chambre Syndicale de la Haute Couture, et dans la foulée j’ai expérimenté la hiérarchie implacable des Maisons chez Monsieur Saint Laurent et Monsieur Lagerfeld (Chanel).
A la suite de quoi j’ai créé ma griffe Lola Bastille.

Danseuse

Quelques années plus tard…au cours d’un voyage autour du monde en voilier, je découvre en Nouvelle Zélande le feutre de laine fait à la main.
Je suis encore célibataire. Mère de deux chers enfants et jeune grand-mère.

D’où vient votre inspiration?

Soulages dit: « c’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche »

J’avais 4 ou 5 ans, je regardais avec fascination cette vieille dame repasser. Madame Provost repassait les chemises de mon père avec une technique et un raffinement parfaits.
Elle utilisait des fers à repasser en fonte, qu’elle faisait chauffer sur un poêle à bois, dans sa maison sombre et qui sentait la cire d’abeille.
Le travail bien fait est à mes yeux l’ultime valeur d’une expression aboutie.

Le vêtement c’est quoi pour vous ?

Dans Meurtre d’un bookmaker chinois, Cassavetes fait dire à Ben Gazzara, au moment où il tire sur un malfrat, « you got no style ».
Je suis hyper sensible au style.
Si l’on regarde la définition du mot élégant, on trouve:

  1. Qui a de la grâce, de l’aisance.
  2. Qui se distingue par sa simplicité, ses manières.

Un vêtement doit laisser libre cours à cette aisance, cette grâce, puisque c’est un fait, l’être humain, contrairement aux animaux, doit se vêtir.
Et comme nous sommes réellement uniques (ADN oblige!), nous avons droit à cette expression unique de choisir notre forme d’élégance. Etre soi-même, en pleine conscience.

Donc le feutre arrive dans votre parcours.

Découvrir que l’on peut faire un vêtement sans couture en créant simultanément le textile qui le constitue arrive tel un OVNI dans mon parcours de styliste-modéliste-costumière. Je ne savais rien du non-tissé.
Parallèlement, j’ai toujours privilégié dans mes créations l’utilisation des matières dites nobles, telles que la soie, le lin, le coton, la laine. Par conviction, (prémonitoire?) depuis 30 ans,ne m’intéressent que les matières biodégradables et renouvelables. Par goût pour les effets de matière que les fils de lin, de soie, de ramie ou de viscose, rendent tangibles et agréables au toucher et à l’oeil. Et enfin parce que seules les matières naturelles embellissent à l’usure. (…)
Donc la laine ! Puisque le feutre s’obtient par le frottement et l’humidification de fibres de laine.
C’est un process lent, qui requiert concentration, énergie physique, et pas mal de connaissances techniques auxquelles je me suis formée auprès d’éleveurs, filateurs, tondeurs, et…feutrières choisies pour leur style personnel. (liste sur demande)
Est importante pour moi la traçabilité des laines que j’utilise.
Je privilégie les laines de moutons vivant en France,(Mérinos, Texel, Thones et Marthod, Noire du Velay,etc.) Mais j’aime travailler également la laine du Wensleydale d’Angleterre, du Racka et du Shetland de Hollande, la Bergschaf du Haut Adige en Italie, etc. J’emploie également des laines venues d’Argentine ou d’Australie et Nouvelle Zélande.

Arrive cette commande de Mourad Merzouki pour sa création Yo Gee Ti, et la naissance de Morse Felt Studio avec Chloé Lecoup. Pourquoi Morse ?

Le Morse est un animal des climats froids. Cette  race est singulière. (Pas de variétés comme chez les pingouins ou les moutons par exemple).
Étant marin, c’est un langage, certes obsolète, mais qui m’est cher.
Initialement, le projet de scénographie pour la Compagnie Käfig était très différent de ce qu’il s’est révélé être au final. Évaluant l’ampleur du travail, j’ai proposé à Chloé de s’associer à ce projet. Comme souvent, du temps s’est écoulé entre les maquettes et le montage final, temps pendant lequel nous avons expérimenté et travaillé spontanément à une collection de pièces en feutre pour la maisonMorse Felt Studio a émergé de notre désir partagé de relier le feutre artisanal (qui s’oppose au feutre industriel), dans une histoire qui commence il y a plus de 5 000 ans pour aujourd’hui prouver à qui y est sensible, qu’il a pleinement valeur de textile contemporain, moderne, design. Et d’ailleurs, des partenariats ont vu le jour avec des architectes, des plasticiens, scénographes, avec Knoll International. Chaque fois des commandes spéciales qui nous permettent de pousser notre recherche et d’évoluer.

www.morsefeltstudio.com

Et maintenant?

J’ai beaucoup appris par passion et par curiosité. Beaucoup travaillé aussi. Je ne dirais pas que je maitrise mon médium, parce que l’aléatoire est partie intégrante du rendu final, et c’est tant mieux! Etre dans mon atelier me fait la plupart du temps ressentir une joie profonde. Bien sur, il y a tous les à-cotés trop nombreux pour donner à voir mon travail et le vendre. Eh oui ! Mais sentir un coup de coeur pour mon travail chez un/une client/cliente est un moment de partage rare.
Et puis j’ai aussi appris à transmettre mon savoir-faire, car le feutre a un fort potentiel encore inexploité, et j’apprécie énormément d’en conférer les valeurs, les techniques, et ainsi l’ouvrir aux possibles.

Et demain ?

Continuer exactement à faire ce que je fais: créer à partir de fibres textiles naturelles, des vêtements bien faits, élégants et écologiquement propres, que s’approprient des êtres sensibles.
Continuer le voyage dans mon atelier et partir l’exposer.

« Plus l’art est contrôlé, limité, travaillé, plus il est libre. »
Stravinsky

Who is Elisabeth Berthon?

I live and work in a former public wash house just outside Lyon in beautiful France.
I was born among the vineyards of Clos de Vougeot in the Burgundy region and I used to dance to Ravel and Debussy at the Dijon Opera under choreographer Jean Serri. I had my first experience of protesting in May ’68 and of sailing on the Bay of Angels, Nice. I have played piano in a rock group in New York, knitted, woven, sung and acted. Finally, I realised and accepted the idea that clothing, in terms of one-off pieces, would be a constant and reliable source of joy for me. Consequently, I moved to Paris, where I studied pattern making at the Chambre Syndicale de la Haute Couture and experienced the tough hierarchy of the fashion houses with Messirs Saint Laurent and Lagerfeld (Chanel).
That is when I created my brand name, Lola Bastille

Liberté guidant le peuple

Some years later, during a round-the-world sailing trip, I discovered handmade wool felt in New Zealand.
I am single, a mother to two beloved children and a young grandmother.

Where does your inspiration come from?

Soulages said: “It is what I do that teaches me what I am looking for”

When I was around 4 or 5, I found it fascinating to watch an old woman iron. Madame Provost ironed my father’s shirts with perfect technique and sophistication.
She used cast iron, which she heated up on a wood stove in her dark little house with its beeswax scent.
To me, a job well done is the true value of expression.

What do clothes mean to you?

In ‘The Killing of a Chinese Bookie’, Cassavetes wrote a line for Ben Gazzara when his character shoots a criminal: “you got no style”.
I am extremely sensitive to style.
If you look up the definition of the word ‘elegant’, you will find:

  1. Graceful and stylish in appearance or manner.
  2. Pleasingly ingenious and simple.

A garment should allow such ease and grace since, unlike animals, we humans have to wear clothes.
And, as we are all unique (as proved by our DNA), we have the right to express ourselves in our own way, choose our own forms of elegance and unashamedly be ourselves.

So then felt made its way into your career.

Discovering that you can make a garment without sewing and simultaneously create the actual textile for it was a completely alien concept to me when I was a stylist, pattern maker and designer. I knew nothing about non-woven textiles.
Simultaneously, my designs have always focused on what are known as noble materials, such as silk, linen, cotton and wool. Out of conviction (and perhaps a premonition?), I have only been interested in biodegradable and renewable materials for 30 years. This is because of the textural effects of the threads of linen, silk, ramie or viscose, which make the garment pleasing to both the touch and the eye. And, ultimately, because only natural fabrics become more attractive with wear.
And then there’s wool ! Because felt is made by rubbing and wetting wool fibres. It is a long process, requiring concentration, physical effort and a great deal of technical expertise, which I gained from breeders, spinners, shearers and felt makers, selected for their individual styles (list on request).
The traceability of the wool that I use is very important to me.
I primarily use wool from French sheep (Merino, Texel, Thônes et Marthod, Noire du Velay, etc.), but I also enjoy working with wool from the Wensleydale in England, the Racka and the Shetland in the Netherlands, the Bergschaf from Alto Adige in Italy, etc. and use wool from Argentina, Australia and New Zealand.

And then came the collaboration with Mourad Merzouki for his Yo Gee Ti project and the founding of Morse Felt Studio with Chloé Lecoup. Why Morse?

The walrus (‘morse’ in French) lives in cold climates. It is unusual in that there are no different types as there are in the penguin or sheep species.
Being a seafarer, it’s a language that is certainly obsolete but very dear to me.
The initial set design for Company Käfig was very different to what we ended up with. After assessing the scale of the work required, I asked Chloé to get involved with the project. As is often the case, there was a gap between making the model and the final assembly, which we used to experiment and work on a spontaneous collection of felt pieces for the homeMorse Felt Studio was born out of our shared passion for artisanal felt (as opposed to industrial felt), a material with over 5,000 years of history, and our desire today to prove what it works well with, and that it has great value in contemporary, modern and design textiles.
Since then, we have built partnerships with architects, plastic surgeons, set designers and even Knoll International. All of these are special commissions, which allow us to further our research and develop.

www.morsefeltstudio.com

What about now?

I have learnt a lot through passion and curiosity. And hard work. I wouldn’t say that I have mastered my medium, because the unexpected is an integral part of the final result – and so much the better! The majority of the time, my work gives me a great deal of satisfaction. Of course, there is a huge array of opportunities to get my work out there and sell it. Naturally! But getting a real rush about work for a client is a rare shared experience.
And now I have learnt to pass on my expertise, because felt has great – and as yet unexploited – potential, and I believe strongly in sharing values, techniques and, therefore, being open to opportunities.

What does the future hold?

Continuing exactly as I am: using natural textiles to create high quality, elegant and ecologically sound garments for people who appreciate the concept.
Developing my atelier and getting out and exhibiting.


“The more constraints one imposes, the more one frees one’s self.”

Stravinsky

Membre de / Member of